Petite histoire du masque – de l’Antiquité au Covid-19

Symbole de la lutte mondiale contre la propagation du Covid-19, le masque est devenu indispensable à tous en quelques mois seulement. Cet objet, aujourd’hui moyen de protection universel et moderne, hérite d’une riche histoire et de nombreuses fonctions. Voici quelques étapes clés de son évolution.
1. Le masque sculptural : de la préservation de la mémoire à la critique de la société
Dès l’Antiquité, le masque adopte un rôle clé dans la société.
A ses origines, il occupe une fonction funéraire. Dans les nécropoles d’Egypte et les tombeaux de Mycènes, le visage des défunts est délicatement moulé à la feuille d’or afin de conserver leurs traits intacts pour la postérité.
Puis les grecs introduisent le masque dans le théâtre antique. De grande taille, celui -ci permet aux acteurs de personnifier et exalter les sentiments excessifs : la joie, la terreur, la fureur, le ridicule, la grâce. Mais le masque n’a pas seulement une fonction esthétique ; il permet aux spectateurs assis aux fond des amphithéâtres non seulement de voir la pièce mais aussi d’entendre les acteurs, dont la voix est portée par la forme du masque. Fabriqué en écorce, en cuir puis en toile épaisse enduite de cire, des couleurs lui sont plus tard ajoutées. Il est massivement repris par le théâtre italien au XVIe siècle dans la Commedia Dell’arte pour créer des personnages stéréotypés très caractéristiques de la société de l’époque – la jeune servante, le valet, le riche, le médecin etc. Arlequin, Colombine, Pantalon ou Polichinelle permettent aux troupes de théâtre de critiquer la société, incognito mais haut et fort.
2. Le masque de protection : pas forcément médical
Les masques protègent bien sûr du regard des autres, mais si les masques du carnaval de Venise permettent de protéger l’identité d’une personne morale, d’autres permettent de protéger son corps physique, sans pour autant être médicaux.
Les premiers masques de protection sont fabriqués sous l’Empire romain en vessie animale. Ils sont utilisés au fond des mines et protègent des vapeurs toxiques.
En effectuant un rapide bond dans le temps, rappelons qu’une autre période de l’histoire a nécessité le port de masque de protection dans un contexte non médical.
En effet la première guerre mondiale a vu arriver une arme de destruction massive d’un nouveau genre : les gaz de combat. Ces armes chimiques vont du gaz lacrymogène, très irritant, aux gaz asphyxiants, mortels. Les premières attaques chimiques sont lancées par les allemands sur les troupes britanniques fin avril 1915. Une semaine après cet assaut, les premiers masques de protection apparaissent : il s’agit de simples morceaux de gaze imbibés d’hyposulfite de sodium. Bien que très faciles à fabriquer, ces masques de fortune restent assez inefficaces. Peu après les masques cagoules apparaissent, mais il faudra attendre 1918 pour qu’ils soient remplacés par des masques dits Appareils Respiratoires Spéciaux munis d’un filtre carbone. Toutes les armées et les populations européennes en sont équipées en 1940 lors du deuxième conflit mondial.
3. Le masque médical :
Revenons au masque de protection médical.
Du XIIIe au XVIIe siècle, l’Europe est ravagée par plusieurs vagues de peste. Comprenant que la maladie se transmet par contact avec les malades, les médecins se munissent de bâtons pour mener leurs examens à distance. Ils s’équipent de tuniques en cuir, de bottes, de lunettes et de chapeaux pour s’isoler au maximum. Lors d’une de ces épidémies en 1612, le premier médecin de Louis XIII, Charles de Lorme, invente un masque destiné à protéger les médecins. Fait de carton bouilli et muni d’un bec d’oiseau, celui-ci est rempli d’herbes aromatiques. Leurs propriétés antiseptiques neutralisent les bactéries et masquent l’odeur des cadavres, permettant ainsi aux médecins de s’approcher de leurs patients.
Tandis que la peste recule, la médecine continue d’avancer. En 1897, le bactériologiste Carl Flügge montre que les postillons véhiculent des bactéries pathogènes. Il n’est pas rare à cette époque qu’à la suite d’une opération les plaies des patients s’infectent. Ayant suivi les recherches de Flügge, le chirurgien Johann Mikulicz décide alors de porter un masque lors de ses opérations et devient l’un des pionniers des techniques antiseptiques. Deux morceaux de gaze sont noués sur son calot par des cordons et couvrent son nez, sa bouche et sa barbe : c’est la naissance du masque chirurgical.
C’est lors de la grande peste de Mandchourie en 1910-1911 que le port masque, d’abord conseillé aux médecins, est rapidement étendu aux malades puis à toute la population. Le cap du masque obligatoire a été franchi en 1918 lors de l’épidémie de grippe espagnole à St Francisco. Déjà controversée, cette mesure a pourtant permis une diminution importante du nombre de décès.
C’est durant cette même épidémie que le port du masque s’est popularisé au Japon. Si bien que jusqu’à aujourd’hui, porter un masque en étant malade, même s’il s’agit d’un rhume, y est une question de politesse envers autrui.
C’est donc en s’inspirant des précédents historiques que lors de l’aggravation de l’épidémie Covid-19 le port du masque est devenu obligatoire. Le type de masque n’est cependant pas précisé. Réutilisable ou jetable, comment s’y retrouver ?
4. Evolution de la composition du masque médical :
Les premiers masques chirurgicaux sont donc simplement composés de quelques couches de gaze de coton. Y sont ajoutées par la suite des couches imperméables aux gouttelettes. Puis des tissus aux propriétés antibactériennes, anti-poussière et anti-gaz sont développés et utilisés également. Ces masques font l’objet de nombreux brevets, ils sont lavables et stérilisables.
C’est en 1930 qu’apparaissent les masques jetables en papier, suivis en 1960 par ceux en fibres synthétiques non tissées à usage unique. Ces masques deviennent rapidement la norme hospitalière. Une étude comparative datant de 1974 montre cependant que des masques composés de 4 couches de mousseline ont un effet filtrant supérieur à celui des masques en fibres non tissées, à condition que la fuite d’air au niveau du visage soit minimale. Le lavage des masques réutilisables augmenterait même leurs propriétés filtrantes, les fibres étant resserrées par l’eau et la chaleur.
Les industriels du jetables ont convaincu que la gestion d’un stock de masques à usage unique est plus facile que la gestion du lavage des réutilisables. Dans le contexte actuel, cela laisse présager en plus des crises sanitaire et économique une crise environnementale. En effet ces masques jetables qui trainent partout en ville et qui sont retrouvés jusque dans la mer ont une décomposition estimée à 400 ans! Un changement de politique des masques à l’échelle nationale est urgent.
Conclusion:
Fin de l’innovation pour les masques ? Non ! Les masques fenêtre commencent à inonder le marché. Selon une étude publiée cette semaine par UFC-Que-Choisir, les masques chirurgicaux à usage unique auraient tout de même une filtration efficace lavés jusqu‘à 10 fois à 60°C. Quant aux masques filtrants en tissu réutilisables, ils semblent toujours être la solution la plus raisonnable.
L’histoire des masques continue d’être écrite.